Une écoute en surround qui va vous remuer le cortex avec des effets volontairement démesurés

Note globale


Un disque qui est devenu sur-estimé et victime de la réévaluation de nos "chères" années 90

Editeur : Nothing
Durée totale : 1 h 56

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Image        NTSC

Comme d'habitude chez Nothing, on ne se casse pas le derche. A la rigueur on pourra s'extasier devant le menu animé du départ, sauf que c'est pas un menu. Ni fait ni à faire.
Clips de Closer, March of the pigs, Hurt (13 min)
Discographie avec quelques extraits vidéo (38 min, pas remplies)
Galerie de photos
La stereo est pas mal mais préférez le CD très très profond (déjà que l'original...). Le 5.1 est sale quand il faut, et vraiment intelligent.
Des programmations et une production toujours aussi bonnes, mais un fond mélodique et nihiliste qui s'est pris dix ans de misanthropie généralisée dans les dents. Et ca fait mal.
Trois clips dont un en 5.1, très très laids mais Finchiens dans l'esprit, et une discographie excellente mais comment faire pour l'obtenir sur un lecteur de salon, alors là ?! Ca mérite 6 mais je ne mets que 5 parce que les démos et les inédits, vu le prix, ç'aurait pas fait bobo de les inclure, hein.

Un disque ne devrait pas être prisonnier ni de son époque, ni du vécu de son géniteur; ou bien concernant ce dernier, il faut qu'il le sublime (genre le clavier a passé trois semaines SDF à Londres, le chanteur a subi une N.D.E, Lara s'est fait larguer par son saucisson corse...). Pour NiN, nous sommes en 1994, en plein milieu de ce que je considère comme le plus grand vide musical de tous les temps. C'est l'époque des boys band, du rap omniprésent, de la techno dance floor, du "grunge" (ouarf), musicalement l'ambiance est pourrie et les groupes se tirent dans les pattes à qui mieux-mieux. Pendant ce temps, Dream Theater traverse la rue en se baissant, Buck-Tick serre les fesses en attendant que ça passe, Eddy Mitchell s'en branle (ça fait déjà trente ans et ça continue encore), et plein de groupes naissants attendent de prendre la relève. Et notre Trent Reznor, auteur d'un relativement obscur premier album, sort The Downward Spiral. Oeuvre cynique, portant bien son nom, qui met mal à l'aise, remplie à craquer de guitares thrash et de machines (c'est le premier album où on n'a plus parlé de synthétiseurs, de samplers, d'ordinateurs, mais vraiment de "machines"). L'oeuvre, défendue live au prix de concerts suicidaires et de quantités d'alcool et de drogues assez pharaoniques, s'est fait un trou. Et à l'époque, cet album faisait peur. Très peur. Intensément. A la même époque, le black metal a atteint des sommets de violence et de nihilisme, mais là c'était différent : il y avait très peu de notes. Seulement, elles étaient là quand on ne les attendait pas, et avec un mixage du tonnerre de Zeus.

Dix ans après, ce disque symbolique passe le test du mix 5.1. Allons à l'essentiel : ledit mix est très, très très réussi. Propre assez souvent, et très sale quand il faut. Le petit problème qui se pose à moi, il est double. Le premier, assez trivial, est la double sortie : un en DVD-Audio, chroniqué ici, bare bones, et un en SACD et double CD, avec un énorme CD bonus bourré à craquer de démos et d'inédits. J'espère qu'on l'aura chroniqué un jour, en attendant voici le dual disc qui ne se focalise que sur l'album original. Hélas, je dois dire. En effet, la revisite de cette spirale infernale laisse un goût assez amer dans la bouche : ce disque a vieilli. Et mal. A l'époque, comme déjà vu, il faisait peur. De nos jours, à part le premier et très efficace titre, tout a salement pris un coup de vieux. Les ficelles utilisées par Trent étaient peut-être jamais entendues à l'époque, mais aujourd'hui elles tombent un peu à plat. C'est un constat d'échec plus pernicieux qu'il n'y parait : ça signifie que de nos jours, faire peur en musique, susciter l'angoisse (ce que Reznor savait très bien faire, voir par exemple comment le salaud s'y connait pour finir un album !), eh bien c'est devenu banal. Triste état des lieux.

Et de fait, ce Downward Spiral semble l'archétype du disque surestimé. En le réécoutant avec des oreilles neuves, on a l'impression d'une réunion entre un producteur ultra-novateur, et une crise de paranoïa adolescente mal digérée. La musique fascinait, désormais on peut trouver que les gimmicks Reznoresques sont un peu trop voyants, et ce d'autant plus que son EP suivant, la BO du jeu Quake, utilise les mêmes artifices mais déjà plus matures (un an et un manque total de paroles les sépare !). Les textes faisaient peur, maintenant ils font presque rire, sûrement un signe des temps là-aussi, et "Big man with a gun" avec son refrain "shoot ! shoot !" (rien à voir avec les Forbans) fait désormais ricaner. L'album dans son ensemble aurait dû être un magnifique cri de rage, et il l'a été à l'époque, mais aujourd'hui il ressemble à un douloureux dépucelage dont des millions d'ados (acheteurs) ont été les malsains voyeurs. Un disque hautement important des années 90, tant niveau ventes que niveau impact social... et malheureusement on sait ce que ça signifie, maintenant...

Mais le mix surround présent ici, et qui est quand même ce qui nous réunit tous ici mes chers frères, est réussi. Très réussi. Il est spectaculaire. Autant que possible. Ca part en live niveau effets, ca part en crabe version samples, et ça rase en rebroussant le poil niveau 6-cordes et caisson de basse (qui pendant trente secondes devient même le centre d'intérêt du disque !). Et c'est là que Trent, et Nothing, ont en grande partie gagné leur pari : le spectaculaire, sépulcral et divinement (démoniaquement) pathologique mix surround fait peur, un peu, pas beaucoup, mais largement plus que prévu. En d'autres termes: si musicalement le disque a beaucoup perdu, ses géniteurs ont tout misé sur ce qui avait déjà défrayé la chronique de l'époque, la technologie, pour faire revivre les mêmes sensations. Résultat : même si le mix stereo vous fera sourire par indulgence, le 5.1 vous mettra mal à l'aise. C'est profond et violent, peut-être même un peu trop car niveau qualité de son on notera de sales petites saturations, qu'on ne trouve pas dans l'excellente piste stereo. Mais une chose est sûre : que vous connaissiez par coeur l'original ou pas du tout, vous ne ressorterez pas indemne de l'écoute en surround qui techniquement est un peu l'antithèse de Aero de Jarre : envelopper le plus possible l'auditeur, mais ce coup-ci pour lui asséner de perverses décharges électriques. Maintenant, musicalement la redécouverte de Downward m'a permis de réévaluer le petit dernier, très sympathique, ainsi que le méconnu et mésestimé The Fragile que, lui, j'espère désormais trouver en 5.1 en supposant que là aussi il pourrait être redécouvert sans la hype qui l'entourait. Downward Spiral : grand disque, hélas. Grand son, heureusement.

PS : La différence qui saute aux yeux avec l'original, c'est la présence sur la pochette d'un hideux "Parental advisory explicit lyrics" et au dos d'un non moins gerbant "FBI Anti-piracy blabla mes couilles". Signe des temps.

1994


01. Mr Self-destruct
02. Piggy
03. Heresy
04. March of the pigs
05. Closer
06. Ruiner
07. The becoming
08. I do not want this
09. Big man with a gun
10. A warm place
11. Eraser
12. Reptile
13. The downward spiral
14. Hurt


Trent Reznor - Chant, claviers, guitare   
   Adrian Belew, Danny Lohner- Guitare
Flood - Programmation, ARP 2600 (!)   
   Stephen Perkins, Andy Kubiszewski, Chris Vrenna - Batterie