Chouettes effets, rétrospective presque géniale, quelques chansons sauvées, l'Autruche (miam)

Note globale


Un spectacle très bancal, manque cruel du public, et des revisites de classiques parfois très malheureuses

Editeur : Universal
Durée totale : 2 h 48

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Image        PAL

Préparation du spectacle (37 min 16/9)
Rétrospective (31 min 16/9)
Galerie photos (4 min)
Biographie de Philippe Chatel (5 pages)

Définition pas trop mal, couleurs sympas, la réalisation n'est pas éblouissante mais on a droit à peu d'effets vidéos indésirables, là où on s'attendait à bien pire.
Stereo jolie mais qui parfois abuse du volume, et 5.1 presqu'inutile puisque complètement vide sur les arrières, à part la réverb naturelle de la salle... vide !.
Par rapport à l'original, des changements vraiment ratés, par rapport aux autres spectacles enfantins, une bancalité malvenue. Dans tous les cas, on pouvait rêver bien mieux.
Plus d'une heure de bonus strictement réservés aux adultes mais ô combien passionnants. Manquait juste des sous-titres, totalement indispensables pour n'importe quelle comédie musicale et encore plus pour les enfants, et c'était le 10/10 assuré.

La comédie musicale pour enfants a ceci de compliqué qu'elle doit être magique, féérique, et compréhensible pour les enfants, tout en étant intéressante pour les parents qui peuvent soit y "confier" leur progéniture sans risques de traumatismes ou déceptions marquantes, soit y trouver un second degré bienvenu qui s'adresse aussi à leur cortex d'adulte. Pour Emilie Jolie, qui est à la comédie musicale enfantine ce que Les Misérables est à la comédie musicale pour adultes, à savoir une grosse baffe qui a marqué l'année 1980 et remis la France dans la course, le défi était de taille : adapter pour la scène ce qui est probablement la plus grande réussite du genre pour un disque qui, au départ, était certes écrit comme un conte pour enfants, mais s'est vite transformé en who's who de la chanson française, mélangeant Salvador, Mitchell, Brassens, Souchon / Voulzy, Clerc et autres pontes pour une grosse bouffonade qui a eu le mérite de faire rire les parents. Comment se débrouille Philippe Chatel pour cette revisite de son oeuvre fétiche ?
Eh bien pour être franc, plutôt mal. Je n'ai nulle envie de taper sur ce spectacle, car on sent que du travail et du talent y ont été mis à dure contribution. Mais il n'y aura que trois catégories de gens qui verront ce disque : les enfants, les adultes fans du disque original, et les adultes passés au travers du filet (comment ont-ils fait jusqu'à présent ?) et découvrant l'histoire et les personnages. Pour cette dernière catégorie, vous trouverez certainement beaucoup mieux comme comédie musicale à faire écouter à vos enfants (Le Petit Prince pour citer le meilleur exemple). Si vous l'avez acheté pour vos enfants, j'espère qu'ils seront très très très réceptifs, car justement le problème principal de cette transposition, c'est que la double "vie" du spectacle (enfants / parents) ne fonctionne pas. L'histoire est contée de façon trop infantile pour les vieux, et les jeunes ne comprendront pas grand chose à ce qui ressemble plus à un livre de Lewis Carroll (lapins included) qu'à une vraie histoire pour les petits nenfants.
Si l'on prend l'histoire de base, elle est bien maigre, mais surtout elle se finit d'une façon si nette que personne ne comprendra, ni les gamins frustrés, ni les parents interloqués. On me répondra que c'était l'un des éléments drôles et percutants du disque d'origine, c'est sans oublier que ledit disque n'avait pas pour prétention de raconter une histoire, plutôt de dresser des saynettes propres à faire rire plus qu'à passionner ("on s'en fouuuuuut !" "on s'en fout toujours un petit peu, c'est vrai !"). Scéniquement, le DVD présenté ici manque cruellement d'un élément pourtant indispensable : le public. Pas un applaudissement, pas un rire, pas un cri d'enfant. C'est pourtant ce qui aurait insufflé la vie, la passion à ce programme. Musicalement, vous avez un énorme point fort, quelque chose qu'on ne peut pas passer sous silence : outre quelques petites bandes, vous avez également dans le fond de la salle un vrai groupe qui joue en live, tous les soirs. Ca, c'est du jamais vu et c'est d'autant plus gratifiant que par moments le gratteux s'amuse à venir sur scène faire des interventions. D'ailleurs musicalement c'est assez réussi au niveau technique. Technique seulement.
Passons à ce qui va fâcher. Les adaptations. Avant tout, laissez-moi vous dire que si des erreurs de casting peuvent parfois être commises, vous en avez ici un petit florilège. Ce n'est pas que les comédiens soient mauvais. Certainement pas. Seulement, ils ne sont pas à leur place. Déjà, le conteur : il a bien du mal à marcher dans les pas de l'immense Henri Salvador, et le faire devenir Prince Charmant est non seulement peu crédible aux yeux des gosses, mais carrément douteux niveau morale (il était moche et idiot, il se coiffe sur le côté et s'habille en blanc et paf ! devient un prince charmant !). On peut même aller plus loin : la sorcière (antillaise aux cheveux crêpés qui parle) devient princesse par le truchement d'une autre actrice (blonde aux yeux bleus qui se tait), ce qui est tout aussi discutable quand on y repense. Ensuite, Emilie. Je comprends que travailler avec des enfants soit pénible, mais là, NON ! Désolé, Emilie Jolie c'est une gamine insupportable, haute comme trois pommes, un peu en chair et qui a 5 ans maximum. Ce n'est PAS ce qu'on nous montre ici : une adorable demoiselle d'un mètre soixante (!), adolescente en pleine maturation, avec un visage d'ange et une voix qui vire parfois vers le r'n'b ! Et encore vous avez échappé à l'actrice "de remplacement" : un pur top model de 17 ans avec la voix de Barry White ! (bon, j'exagère un peu...). Ne me dites pas que c'est imagé : c'est un conte pour enfants, et les enfants ne verront jamais une Emilie Jolie dans ce spectacle, mais bel et bien une ado super-belle à qui ils aimeraient ressembler plus tard, bien plus tard, très largement après le spectacle (sept ans environ). Il est compréhensible que prendre de vraies gamines pour le rôle aurait été sacrément plus compliqué à gérer, mais c'aurait apporté une touche de vérité dramatique qui est ici totalement absente puisque vous allez passer le spectacle à vous demander : "elle est belle, elle chante bien... mais qu'est-ce qu'elle fait dans la peau de ce personnage ?".
Et maintenant, ratatatam, passons à la sorcière, LA pire idée. L'actrice correspondante a du peps, du métier, mais c'est son choix de jeu (ou le choix qu'on lui a imposé) qui la décrédibilise totalement : sorte de Dominique Besnehard au féminin, elle chuinte de toutes parts, ultra-méga-surjoue, on ne comprend pas un traitre mot de ce qu'elle raconte, elle finit par chanter faux à force de pousser de toutes parts, et en prime elle est là tout le long du spectacle, répétant à l'envie "j'veux qu'on m'aime mais chuis méchante". Quand on sait que l'originale était Françoise Hardy juste avant qu'elle prenne des rides, ça fait mal, quoi. Elle est le pire point de comparaison avec l'original, parmi d'autres dont l'inévitable chanson de l'oiseau donnant le ton : le costume est superbe, le chanteur s'envole, mais les ajouts plombent tout : le gars se la pète vocalement façon Daniel Levy, il manque le contre-chant, et le final metal est super-gras, bien trop pour les pauvres gosses ! Quant au loup, heure de gloire d'Eddy Mitchell, il est remplacé par une parodie des Forbans musicalement hideuse (même si le solo de gratte fûme bien). Seule lumière dans cette ombre : l'autruche. Non seulement la chanson garde toute sa saveur, son piquant, mais l'interprète... Bon, je crois qu'une photo vaut mieux qu'un long discours, quand on sait qu'elle chante bien, danse divinement et a l'air sympa et intelligente en diable, eh bien malgré mes goûts que vous connaissez déjà, je pense prochainement arrêter les gitanes et me mettre aux blondes.
Fort heureusement, si vous êtes nostalgique de ce merveilleux opera pop, l'achat de ce DVD reste malgré tout une idée fort concevable, grâce aux deux documentaires. Si le premier est un making-of intéressant car bien fait et surtout permettant de comprendre les choix ayant conduit à ce nouveau spectacle (ça ne rend pas les mauvaises idées meilleures, mais ça rend l'ensemble plus cohérent), le second est une rétrospective sur les trois vies d'Emilie Jolie (le disque, la version 98, le spectacle), avec, ô stupéfaction, de très rares et précieuses images d'archives ! Notamment la version en playback pour Noel avec les effets spéciaux invraisemblables (dans TOUS les sens du terme) de Jean-Christophe Averty (l'ami des claviers français). Tout celà est passionnant, très bien fait, trop court tant on apprend des choses, à un hic (sic) près : Chatel lui-même. Il donne une interview intéressante, mais a l'air complètement ailleurs, balbutiant, le regard perdu. Il donne l'impression d'avoir trop bu juste avant de parler de cette oeuvre, comme s'il voulait l'enterrer ou trouver le courage d'en parler encore une fois. Syndrome de l' "oeuvre unique" aux yeux du grand public ? En prime il donne à la fin du reportage une leçon sur le fingerpicking qui n'a strictement rien à faire à aucun endroit de ce DVD, et particulièrement à celui-ci.

Trucages sympas, jolis costumes, groupe live (pour adultes), canons de douze à trente ans (pour adultes), rétrospective géniale (pour adultes), que manque-t-il à ce DVD ? Une âme. Enfin, il n'en manque pas. Mais une autre âme. Le travail a été dur et long, rien à redire là dessus, mais il a été mené vers une direction moins enthousiasmante que prévu. Rien que pour voir Voulzy raconter comment il a initié Brassens au hard-rock, ça vaut le coup, mais si vous êtes un parent en quête d'un spectacle pour vos blondes têtes, sachez que si E.J. n'est ni le pire ni le moins "développeur", il sera forcément en-dessous de vos attentes. Sur ce, vous laissant, je vais me retaper une séance de vinyl avec la voix magique d'Henri Salvador tout en mettant la scène de l'autruche sur la télé. Le meilleur des deux mondes, là où certaines comédies musicales mal jouées et mal chantées n'arrivent même pas à sauver le moins pire des deux immondes.

Décembre 2002 - Théâtre Mogador (Paris)


01. Introduction
02. Dans la chambre vide
03. La compagnie des lapins bleus
04. La valse des heures
05. Emilie Jolie et le Grand Oiseau
06. La sorcière
07. Les baleines de parapluie
08. Le taxi hérisson
09. L'extraterrestre de la planète Fa
10. L'horloge et la sorcière
11. Le petit caillou
12. La petite fleuriste
13. Pauvre loup
14. L'autruche de Broadway
15. Le facteur qui s'en va
16. Le début de la fin
17. Final
18. Evidemment, évidemment - Bonus


Alice Herbillon - Emilie   
   Emilie Benoît - La sorcière
Judy Cehmm (NDBaker : Moi aussi je tehmm...) - L'autruche   
   Andy Coq - A440, le loup
Hubert Forest - Le conteur, le Prince charmant   
   Julie Herbillon - La fleur, le facteur
Salvatore Ingoglia - Le chef Lapin, le hérisson   
   Nathanaël Marie-Angélique - Le caillou, la grand-mère
Lucienne Troka - L'horloge   
   Jean-Paul Batailley - Batterie, choeurs
Jimi Drouillard - Guitare, choeurs   
   Philippe Gouadin - Claviers, choeurs
Gilles Michel - Basse, choeurs   
   Franck Monbaylet - Claviers, violon, melodica, choeurs