Interviews sympas, bonne mise en place live, DVD aussi complet que possible pour les fans à l'époque

Note globale


Musique aseptisée, et bien trop éparse : diluer 7 chansons sur 2 heures 30, c'est pousser trop loin le principe de précaution

Editeur : Sony / BMG
Durée totale : 2 h 30

(live seulement) -

Image        PAL (merci la jaquette)

Rétrospective (24 min)
Making-of de Je Saigne Encore (4 min)
Making-of de Le Chemin (5 min)
Interviews de Nico, Benoit, Fabien et Florian, séparés (41 min)
Galerie de photos (2 min)
Backstage (15 min)

Oui, bon, rien d'affreux, rien de formidable non plus ; le live a été inutilement surexposé et les clips manquent de brillance, mais le tout est assez satisfaisant.
Huit non pas parce que le son est agréable, mais parce qu'il est sincère et ne triche pas avec les arrangements. Le live est ainsi dix fois plus pêchu que les clips, d'une molesse navrante. Le 5.1 ne rajoute qu'un peu de public, même pas assez au vu des jappements préadolescents !
Sérieux ? 7 chansons dont 4 font double emploi et 1 est à l'état d'ébauche ? Vous appelez ça une setlist ?
On ne peut pas mettre en cause la bonne volonté du groupe qui a déballé tous ses cartons d'archives. Evidemment l'intérêt global en pâtit fortement. Mais enfin de çi de là vous pourrez trouver des moments intéressants. Voire plus intéressants que la musique.

L'avantage de travailler avec quelqu'un de brillant comme Kaworu, c'est qu'on apprend chaque jour de nouveaux mots. Par exemple, il m'a initié au concept de la uncanny valley. Pour vous expliquer le concept : prenez un état, ou un périmètre d'attention. Concernant la uncanny valley, l'exemple le plus répandu est celui de l'humain. Créez un robot qui tentera de ressembler à un humain, comme on a pu le voir dans les années 50 à 80 ; et leurs gestes patauds, leur corps bionique grossier, leurs tentatives avortées d'agir comme un humain les rendront finalement sympathiques. Puis la technologie avance, ces robots se perfectionnent et commencent à vraiment ressembler à un humain. La uncanny valley est ce moment où le mimétisme devient si troublant, mais avec les défauts d'une copie, que l'on éprouve plus de la méfiance, voire de la répulsion, envers la copie ; et cette gêne latente ne peut se dissiper que si l'on franchit une étape supplémentaire et que nos robots deviennent tout à fait humains.

Voilà : Kyo, c'est l'uncanny valley du rock.

Ce n'est pourtant pas faute de le répéter : ils font du pop-rock. Ils ne s'en cachent pas. Mais il est resté dans les médias et dans l'inconscient collectif comme un petit fumet de volonté de les déclarer fer de lance d'un nouveau rock français, d'un rock dont on n'aurait pas à rougir (...vous voulez dire comparé à avant ?). Et le succès grisant du groupe, porté aux nues par toute une génération d'adolescents, ne laissait pas de place au doute : pressons le citron jusqu'au bout, surfons sur la vague, ils sont jeunes, ils sont insouciants, ils ont une vraie batterie et des guitares donc ils sont forcément rock. Limite metal puisqu'on a pu le lire ça et là (surtout là). Et quitte à en profiter, pourquoi ne pas sortir un DVD, puisqu'à l'époque ça devenait une sacrée mode ? Oui, un DVD, après deux albums, ça c'est déjà vu. Pourquoi pas. Ce qui n'est pas une raison pour avoir un haut-le-coeur à la simple vue de la jaquette : 2h20 pour un si jeune groupe, d'accord, mais avec un total de sept chansons différentes ?
On débute effectivement par 35 minutes de live à l'Olympia, pour sept chansons qui seront les seules du DVD. 35 minutes seulement ? Oui mais c'est largement suffisant pour se faire une idée : Kyo fait un mélange de Calogero quand il est mou et d'un Tokio Hotel dont on comprendrait malheureusement les paroles. C'est bien joué, très bien en place, avec quelques pêches de guitare, mais rien ne dépasse, tout est désespérément lisse. Comme dirait Coffe en goûtant un McDo : "C'est même pas mauvais !". Juste trop ado en colère pour les fans de pop et trop Justin Beiberesque pour les rockeurs. Le live est bien sûr accompagné de cris de jouvencelles en mode marmite et filmé avec quelques effets inutiles, mais ça fait partie du folklore. Rien de mauvais, mais simplement sans aucune saveur. A l'exception, pourrait-on dire, de Dadoo Lapin où le groupe se prend pour No One Is Innocent, sauf que... ce n'est pas un titre ça, c'est une (super) intro m'enfin !!! Le potentiel est là, il ne veut juste pas sortir.
Mais 35 minutes de live ne sont que la partie émergée de ce DVD qui a décidé de nous apprendre tout, absolument tout sur Kyo. Un groupe digne de ce nom devant se défendre à travers les clips, nous voici du même coup confrontés aux versions studio des mêmes chansons... et purée oui, le live y gagne. Les chansons studio sont encore plus polissées, devenant poussives, et les clips vont du gentil ("Le chemin", chanson roborative sauvée par l'extraordinaire beauté de la petite Sita) au pénible, trahissant du même coup ce qui semble être le coeur de cible du groupe (ou en tous cas de ses marketeurs) : les 13-17 ans. Les making-ofs qui s'ensuivent sont moyennement intéressants, tout comme le quart-d'heure de "backstage" qui pour être honnête n'est finalement pas pire que d'autres. Tout ça effectivement peut passer pour du rock, mais dans ce qu'il a de plus convenu. Même le "bonus" consistant en 25 minutes d'archives, drôles pour les fans et totalement indigestes pour les autres, pourrait facilement figurer dans le DVD lambda d'un autre groupe de rock lambda.
A force d'indigence, ce DVD aurait pu sombrer définitivement, il reste cependant un élément qui, sans le sauver musicalement, le rend plus digeste : les interviews. On a droit à quatre jeunes hommes pas encore secs (ils en sont conscients) et qui répondent chacun aux mêmes questions - voilà, CA c'est une bonne idée. Ca permet d'approfondir les différents aspects du groupe, de leur pardonner les aspects lissés (euphémisme) de la musique, et même de rigoler un peu en entendant les Guns se faire traiter de ringards (ce qui n'est pas entièrement faux), qu'il n'y en a que pour les chanteurs (ce qui est totalement vrai et bien envoyé), ou que l'une des influences du groupe est... Tool. Si si. On ne rit pas.

Et d'ailleurs on ne pourra pas jeter la pierre au groupe d'essayer, d'être bien soudés, mais plutôt à tout ce qui gravite autour d'avoir voulu absolument nous l'imposer comme la grande révélation de ces dix dernières années. Juste après, le groupe sortira un troisième album dans une lignée assez similaire, avec à peine plus de mordant au détour de quelques influences Noir Désir (la voix) et Muse (les claviers). Puis plus grand-chose, en tant que groupe. La bulle a éclaté. Et reste sur les bras ce DVD, témoin de son temps, et qui depuis fleurit par dizaines sur les étagères des revendeurs d'occasion. Peut-être par lassitude (6 chansons et demie ça ne nourrit pas son homme), peut-être pour être passé à autre chose de plus musclé - ou de plus mature. Et à écouter ces chansons et l'énergie qu'ils auraient aimé délivrer sans fioritures, on se demande pourquoi un tel succès n'est pas encore tombé plutôt sur un groupe comme InCry, qui est deux fois plus adulte. Ahhhhh mais si ça se trouve, c'est ça le problème ! Et si le rock était réservé aux rages primaires des adolescents ? Si les adultes n'avaient plus ce qu'il faut de sensibilité pour comprendre le rock ? ...Non, mais écoutez les bêtises que ce DVD me fait écrire !!! A force de me faire ramollir les oreilles, je vais finir par devenir le uncanny valley des chroniqueurs. Si ce n'est déjà fait.


03-12-2010

2004 - France


   Live
01. Tout envoyer en l'air
02. Je saigne encore
03. Le chemin
04. Comment te dire
05. Dernière danse
06. Je cours
07. Dadoo lapin

   Clips
01. Le chemin
02. Dernière danse
03. Je cours
04. Je saigne encore
05. Tout envoyer en l'air
06. Je cours (alternatif)