Film parfait, image très convaincante

Note globale


Un prix exhorbitant pour une édition DVD qui ressemble à un foutage de gueule

Editeur : Fox
Durée totale : 1 h 34

(Anglais) - (Français)

Image        PAL

Bande-annonce archi-pourrie (3 min)
Le reste c'est de la pub, je n'en parle pas

Vu à quel point Fox semble se foutre de cette édition, une telle qualité d'image est inespérée. A part des points et griffures, que du bonheur : définition assez bluffante même en NTSC, couleurs brillantes comme une peinture Valentine satinée, peu de bavures, et du grain cinéma. Miam.
Une VF mono surestimée mais très claire, et une VO stereo techniquement en-dessous (!) mais assez agréable. On entend bien les chansons et la voix du Phantom, et rien au monde ne compte autant.
Un choc cinématographique de cette ampleur ne se ressent que deux fois tous les dix ans. Les années 80 ont eu Tron et Abyss, les années 90 ont eu JFK et Seven, les années 70 ont eu Phantom qui est tombé sur la case "mot compte triple".
Une honte. Seul bonus : une bande-annonce d'époque, qui est, et c'est un monteur qui vous dit ça, certainement une des plus, voire la plus mauvaise bande-annonce jamais infligée à un spectateur.

D'aucuns d'entre vous se rappellent peut-être des moments de leur existence qui les ont changé à tout jamais, qui ont fait bifurquer leur existence sur une route perpendiculaire. Petite histoire nombriliste : un samedi matin, assez tôt (7 h 30), le Baker se réveille et d'un doigt molasson rembobine la cassette vidéo qui la nuit-même avait enregistré au ciné-club d'Antenne 2 le film "Phantom of the Paradise" (en vo sous-titrée, s'il vous plaît). Une heure et demie plus tard, alors que l'agenda du week-end l'attend, le p'tit gars au fond de son lit reste paralysé. Il appuie sur "stop" et pas sur "rewind", et pourtant ce n'est pas l'envie qui lui manque, parce que la première fois qu'on regarde ce long-métrage, l'unique chose qui importe au monde une fois l'histoire finie, c'est de la revoir, juste pour se persuader qu'on n'a pas rêvé. Là, non. S'est ensuivit une grande séance de silence et de réflexion 'In Bed with Baker' où j'ai bien compris que, mine de rien (et pourtant à l'époque la musique n'occupait pas la place qu'elle phagocyte dorénavant), ma vie venait de prendre un tournant. Ce qui est plus inquiétant, c'est que la grande majorité des gens qui aiment ce film ont eu sensiblement le même réflexe Pavlovien de réfléchir et critiquer le film afin de se persuader qu'il n'est pas aussi fabuleux que ça. Et tous, de nationalités, de politiques, de sexualités, de modes, d'âges différents d'être bien d'accord : non, Phantom... n'est pas si fabuleux que le brâment les film-critiks. Il est largement mieux, et je reste poli.
Quand on voit et écoute le film, il y a un détail qui ne saute pas aux yeux, ni à la première vision, ni à la trentième (et l'auteur de ces lignes en est très certainement à la ration double), c'est que DePalma, alors jeune, très jeune réalisateur, est aussi l'auteur, et l'auteur exclusif. C'est à dire que toutes les mises en abîme, tous les détails tuants, tous les parrallélismes avec la sexualité, les maisons de disques, l'immortalité, la fuite de l'identité, le pouvoir de la mode, le pouvoir de la foule, le pouvoir des médias, le pouvoir de la musique, le manque de pouvoir de l'amour, j'en passe et des dizaines, tout ça c'est du pur 100% made in DePalma. Ca fout le frisson, franchement. Parce que les niveaux de lecture de ce film sont ahurissants. Rien que la scène finale, rien que le fait que Paul Williams / Swan soit porté à bout de bras par le public, avec l'état dans lequel il est et la musique qui accompagne ces trois (3 !) secondes, on pourrait en tirer trois bouquins. Je ne plaisante aucunement. Phantom... est très clairement un des films les plus émouvants, importants, forts et intelligents de toute l'histoire du cinéma; ceux qui ne sont pas d'accord sont invités à quitter ce site sans regrets, mais je sais qu'ils seront très largement minoritaires. Phantom... raconte une histoire de malédiction, de rédemption, de voyeurisme (premier film de Brian sur ce sujet, où déjà il se lâche bien), et c'est le premier d'une longue lignée de films où notre rital préféré mélange ses obscures fascinations et un savoir-faire Hollywoodien qui rend ces films très fédérateurs pour le grand public (Carrie, Blow Out, Scarface, Les Incorruptibles, Outrages, L'Impasse, Snake Eyes, autant de succès commerciaux très appréciés malgré d'évidentes déviances personnelles).
Phantom... est une adaptation très libre, mais très respectueuse, du roman de Gaston Leroux, le fameux Fantôme de l'Opéré que Lloyd Webber a réussi à assassiner en outrepassant tous les contrats avec le Malin. La musique est donc prépondérante, et Paul Williams, responsable de la bande-son et acteur "principal" du film, a réussi une bande son mythique qui a traversé les âges. C'est poppy et presque kitsch, mais c'est surtout de très bon goût, et ça n'a pas vieilli d'un poil. En fait, passez le disque à un pauvre puceau cinéphilique qui n'a pas encore eu la chance de voir le film, et généralement les réactions sont positives, là où d'autres groupes de la même année se prendraient un camouflet. Les acteurs, pas chanteurs de formation donc naïvement hésitants de façon touchante (la seule bonne idée du "film" de Schumacher), s'en sortent plus qu'honorablement et à côté jouent de façon très convaincante vu qu'il s'agit de leur premier rôle (kudos à DePalma pour un tel risque). Mais surtout, Phantom, c'est une sorte de best-of des années 70, un empilement de clichés délibérément avoués : les platform boots, les coupes afro genre champ de coton, les paillettes partout, l'extravagance à tous les coins de rue, portée aux nues par des choix de couleurs particulièrement pas raffinés, magnifiquement rendus par une image très saturée et très bien définie, un pur régal. Et dans ce best-of des 70, on trouve des choses très troublantes. Très, très troublantes. Et plus vous vous intéressez à ce site, plus vous trouverez de quoi être troublé.
Déjà, la vision des majors telle qu'elle est présentée ici est bluffante. Rien n'a changé, sinon en pire. La caricature, énorme à l'époque, est presque fadasse de nos jours. Ensuite, on trouve dans ce film plusieurs thèmes musicaux étonnants : l'utilisation des mêmes musiciens pour un groupe de pop type 50s, puis un groupe de plage à la Beach Boys, puis, tenez-vous bien, un groupe à mi-chemin entre Dimmu Borgir et Kiss. Sauf que le film a été filmé en 74 et probablement écrit en 73. Kiss existait, oui. Mais qui a influencé qui ? DePalma aurait-il créé le mouvement glam-metal ? C'est bien possible figurez-vous, vu la maîtrise musicale hallucinante de ce long-métrage. Certes, quelques play-backs sont foirés (tellement que les visions extatiques de ce chef-d'oeuvre laissent malgré tout apparaître au fur et à mesure ces petits points noirs), mais globalement c'est entraînant, beau, très musical au sens noble du terme (et au sens anglophone : "comédie musicale" car c'en est une pure et dure), et les chorégraphies sont simplement à tomber par terre. Les deux : celles musicales, avec choristes, danseurs et tout l'orchestre, et celles du split-screen. Déjà tâté sur son film précédent, "Sisters" qui était une parodie de Hitchcock où peu de spectateurs avaient à l'époque vu le côté humoristique (assez froid et finaud, il est vrai), ce procédé, de nos jours re-popularisé par la série "24 heures chrono" de très excellente facture (et je reste sobre), explose ici : la séquence de la "vidéo" où Winslow découvre la vérité, la tricherie, le direct lui-même, avec 6 écrans en simultané, est une merveille qui ne demandait à l'époque qu'à s'étendre (DePalma en fera son cheval de bataille avec encore plus de succès), et puis il y a LA séquence : le voyeur maté, le Phantom découvrant son amour dans les bras d'un autre homme qui... l'espionne, lui. Mise en abîme vertignieuse, moment unique de cinéma où j'ai senti mon coeur se briser en mille morceaux exactement au même moment que le "héros", qu'on pourrait disséquer en école de cinoche pendant des semaines (d'ailleurs, eh eh...), top ten des plus grandes scènes de l'histoire du 7ème art, troublante à en changer la vie des spectateurs (d'aileurs, eh eh eh eh eh...), et qui se permet en plus de se finir sur une pirouette estomaquante... et humoristique !

Car oui, en plus d'être beau, triste à s'en suicider, et j'en passe histoire de rester en vie, DePalma réussit l'improbable : mélanger l'ultra-dramatique, mais aussi l'humoristique, le baroque, le ridicule et le cliché. Quelques scènes du film ne dépareraient pas dans un film de Laurel et Hardy, et c'est ce qui fait sa force : tout est si énorme, si poussé, si maniéré que les vagues d'émotion vous prennent en pleine gueule. La façon dont DePalma filme la descente aux enfers de Winslow et sa transformation en Phantom, par exemple : cinq minutes chrono, plein de conneries dans tous les sens, et à la fin un noeud dans la gorge pour le spectateur. Et le pire : sans véritable raison. DePalma a trouvé une sorte d'hypophyse qu'il titille à volonté à l'insu du cinéphile qui ne peut que succomber de bonheur. C'est pourquoi la version DVD éditée par Fox est un peu trop chiche pour être honnête. Si on sera ébahi par la qualité de l'image, pleine de défauts mais avec des qualités ahurissantes (en NTSC les couleurs sont simplement éblouissantes), le son reste un petit point faible. La version anglaise est moyenne, sans trop de pêche. La version française est plus propre, mais mono, avec des raccords chansons / dialogues "voyants", et si cette VF est sympathique, elle n'est tout de même pas le grand chef-d'oeuvre qu'on entend partout (la VO est largement plus recommandable). Pour le reste, vous n'avez rien : une affiche pourrie, pas de livret, et aucun bonus à part une bande-annonce qui est une épouvantable daube indigne du pire résumé de Poubelle La Vie. Tout ça ne comblera pas le cinéphile donc. Cinéphile qui aura bien du mal à trouver le DVD Zone 2 de ce film, dont les uniques différences avec le Z1 chroniqué ici sont l'image PAL, mieux définie mais avec des couleurs plus ternes, la présence de sous-titres français, et un prix deux fois supérieur. Pourquoi alors donner une si bonne note ? Simplement parce que de temps en temps, il ne faut pas cracher sur la soupe : le plus important pour un film aussi génial, c'est de l'avoir, avec une image de bonne qualité au format respecté, et un son sans défaut majeur. Il y aura mieux. Sans doute possible. Mais en attendant, si vous trouvez le Z1 ou Z2 à un prix correct, n'hésitez pas à redécouvrir un film culte qui mérite très largement cette appellation.